William Hogarth
1697-1764
20 octobre 2006 - 8 janvier 2007
Cette
exposition, initiée par la Tate Britain, a été organisée par le musée
du Louvre et la Réunion des musées nationaux, à Paris, la Tate Britain,
à Londres (où elle se tiendra du 7 février au 29 avril 2007), et la
fondation la "Caixa", à Madrid (où elle se tiendra du 21 mai au 26 août
2007), avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de
France.
L’exposition a reçu un soutien de la Horace W. Goldsmith Foundation et l’aide du British Council.
En partenariat média avec Europe 1 et Paris Première.
Grâce
à cette exposition, le musée du Louvre souhaite faire découvrir pour la
première fois au public français l’art savoureux, original mais aussi
engagé du peintre anglais William Hogarth (1697-1764). Homme des
Lumières, il voulut créer en Angleterre un art compréhensible par tous
et proposer une nouvelle culture picturale émancipée de la grande
peinture d’histoire. Cette peinture d’histoire moderne tirent ses
sujets de la vie contemporaine, composés de plusieurs épisodes formant
une série diffusée par la gravure. Hogarth devint par ce biais le
premier artiste anglais à connaître une réputation internationale.
Le
musée du Louvre présente donc, grâce aux généreux prêts des musées
anglais, 45 peintures et 40 gravures de William Hogarth, reflet d’une
Angleterre en pleine expansion économique et transformation sociale.
William
Hogarth naît à Londres en 1697 dans une famille modeste. Il devient
graveur sur métal avant de fréquenter à partir de 1725 l’atelier du
peintre de cour James Thornhill, dont il enlève la fille en 1729 pour
l’épouser. Il invente alors une peinture sociale et moralisatrice, dont
les toiles sont dès l’origine conçues pour être gravées. Sa plus grande
originalité est sans doute la conception de séries narratives visant à
dynamiser la représentation des sujets et leur perception par le
spectateur. Ces séries peintes et gravées restent ses oeuvres les plus
célèbres telles Le mariage à la mode ou La carrière d’un roué.
Mais Hogarth pratique aussi le portrait individuel ou collectif formant
des « conversation pieces ». Abandonnant la satire sociale, il y montre
tout son talent et une grande sensibilité envers ses modèles. Voulant
rendre l’art accessible à tous, il fonde les premiers lieux publics
d’exposition.
Désireux de montrer à tous cette peinture d’histoire
moderne et former le goût de ses contemporains, il diffuse ses
peintures par le biais de gravures qui circulent dans toute l’Europe et
il est à l’origine de la première loi sur la protection des droits
d’auteur, justement appelée « loi Hogarth » en 1735. Attentif aux
changements de son époque, au moment où l’Angleterre connaît un
développement économique sans précédent, il représente avec truculence
les caractéristiques mais aussi les travers et malheurs de ses
contemporains ce qui ne manquera pas d’étonner et de réjouir les
visiteurs de l’exposition.
Cette rétrospective se répartit en une dizaine de sections. Elle est
clôturée par une série de cinq photographies de l’artiste contemporain
Yinka Shonibare, reprenant le principe des séries d’Hogarth.
L’exposition
William Hogarth est rendue possible grâce aux prêts de grands musées
anglais, dont la Tate Britain, la National Gallery et la National
Portrait Gallery de Londres, ainsi que le Fitzwilliam Museum de
Cambridge, complétés par des oeuvres provenant de collections privées
et des gravures de la Bibliothèque nationale de France. Cette
rétrospective est divisée en sections construites par thèmes, tout en
respectant la chronologie de l’artiste et détaillant ses multiples
préoccupations visuelles.
William Hogarth et son temps
Un autoportrait du
peintre de 1745 ouvre l’exposition. Il s’est représenté drôlement
veillé par son chien, devant sa palette et ses pinceaux, à côté des
ouvrages de Shakespeare, Swift et Milton, sous une apparence naturelle
et non officielle. L’Angleterre faisait preuve d’une intense vitalité
intellectuelle dans la première moitié du XVIIIe siècle et
Hogarth fut très imprégné de la littérature anglaise, notamment celle
de son temps. Sa carte de graveur voisine ici avec ses premières
peintures représentant un couple minaudant avant et après l’amour : Before et After (1730-31,
Cambridge, Fitzwilliam Museum). Des portraits d’homme et l’un de ses
seuls tableaux à sujet mythologique voisinent avec la série des
gravures des Four Times of the day (Quatre moments de la journée), où se dévoile son talent de chroniqueur urbain.
Le nouveau spectacle social (1) : modernité urbaine et bouleversements sociaux
La Grande-Bretagne connaît au début du XVIIIe
siècle une expansion économique sans précédent, alimentée par le
commerce maritime et les prémices de la révolution industrielle. La
série des douze gravures Industry and Idleness (Zèle et paresse, Paris,
BnF) se présente comme des tableaux encadrés, dont les sujets sont
expliqués par un cartouche et parfois une légende abondante. Il s’agit
de l’histoire de jeunes gens passant par divers métiers et connaissant
des destins opposés : l’un très affable devient Lord-Maire de Londres,
l’autre beaucoup moins sympathique subit un destin malheureux. Cette
série illustre bien l’activité intense de la capitale anglaise du bas
en haut de l’échelle sociale. Mille détails amusants égaient cette
critique de l’enrichissement rapide. Comme dans la série des Quatre moments de la journée, Londres
apparaît comme un lieu où trois tentations pèsent sur le jeune, honnête
et inexpérimenté citoyen : la débauche, le jeu et l’alcool.
Le nouveau spectacle social (2) : conversation et représentation
Hogarth reçoit plusieurs commandes de portraits de famille de la gentry
anglaise dans son intérieur. Ces toiles montrent plusieurs générations
rassemblées dans la demeure familiale ou son jardin, et fondent le
genre des « conversation pieces » britanniques. Les modèles,
aimablement campés et joliment habillés, conversent effectivement,
jouent de la musique, prennent le thé (The Strode Family, vers 1738, Tate Britain) ou admirent des tableaux. Tout l’art de vivre du début du XVIIIe siècle transparaît dans ces toiles. Ces thèmes cependant n’échappent pas à la satire d’Hogarth comme en témoigne A Midnight Conversation Piece (Londres, collection Andrew Edmunds) où une assemblée d’hommes avinés perd tout contrôle d’elle-même.
William Hogarth et la satire visuelle
L’artiste n’hésite pas à allier son don d’observation, ses talents de
chroniqueur urbain et sa verve satirique. Il en ressort dans cette
section deux gravures Beer Street et Gin Lane montrant avec humour les méfaits de l’alcool, Londres y devenant une sorte de nef des fous ! La série des gravures des Quatre étapes de la cruauté (BnF)
témoigne d’un apitoiement sincère devant le destin de pauvres gens
égarés et dupés dans une ville devenue un lieu de perdition.
L’animation des scènes représentées et l’exagération des expressions
introduisent un peu de légèreté dans un sujet grave.
La plaisir de la poursuite : l’esthétique du « progress »
Hogarth souhaite créer et développer une nouvelle culture visuelle, en
invitant le spectateur à entrer dans l’action. Il choisit de raconter
une histoire en plusieurs épisodes. En effet, la reconstitution des
scènes situées entre chaque épisode est laissée à la perspicacité du
spectateur. Hogarth s’inscrit ainsi dans un nouveau genre littéraire :
celui du roman divisé en chapitres. Ce nouveau genre connaissait un
succès fulgurant en Angleterre et sur le continent. Le roman Pamela de
l’anglais Richardson connaît à la même époque un immense succès à
travers l’Europe. Hogarth peint deux séries importantes, dont les
toiles doivent être gravées, et ces gravures elles–mêmes acquises par
souscription. Ces deux séries gravées sont présentées ici : l’histoire
édifiante en six images de La Carrière d’une prostituée (The Harlot’s progress), jeune fille sans expérience devenant une femme de mauvaise vie et mourant prématurément ; puis la fameuse Carrière d’un roué (The Rake’s progress), en
huit épisodes, décrivant le destin d’un jeune héritier bientôt ruiné
par le jeu et la débauche et finissant à l’asile (BnF). Là aussi, la
richesse de chaque scène, la profusion de détails et la truculence des
figures donnent plus prétexte à rire qu’à pleurer et adoucissent le
constat social de ces faits divers.
Hogarth et l’art du portrait
Hogarth par son art de portraitiste fonde une tradition alternative à celle venue de Van Dyck au XVIIe
siècle. La vivacité donnée par la maîtrise de la touche et des
couleurs, la bonté et la sympathie se dégageant des visages, montrent à
quel point Hogarth se sent proche de l’être humain et éprouve de
l’empathie pour ses modèles. La franchise et la simplicité des figures
masculines ou féminines n’empêchent pas un grand raffinement dans le
traitement des vêtements et accessoires. Jeunes femmes, ecclésiastique
en habit officiel ou homme mûr, jeune homme en dévotion, enfants dans
un jardin, peuplent cet univers. Hogarth appréciait le monde littéraire
et théâtral. Il fait le portrait du fameux acteur et dramaturge David
Garrick, admiré de Voltaire et grand restaurateur du drame
shakespearien, représenté au côté de sa femme apparaissant en muse
(Collection de S.M. la reine Elisabeth II).
La ligne de beauté
Hogarth nourrit une ambition esthétique affirmée dans son traité The Analysis of Beauty,
qui paraît en 1753. Il veut y fixer « les idées fluctuantes sur le goût
». En effet, l’expansion économique de l’Angleterre permet
l’enrichissement de nouvelles classes sociales désireuses d’acheter des
oeuvres d’art afin de montrer son nouveau et récent statut et son
pouvoir d’achat. Le marché de l’art se développe mais le goût de ces
nouveaux acheteurs n’est pas formé ! L’artiste s’est représenté
lui-même en page de garde devant son chevalet s’apprêtant à peindre,
son ouvrage posé à ses pieds (Londres, National Portrait Gallery). Son
traité marque l’aboutissement de ses réflexions, son attachement à la
diversité des formes et des sujets et à la ligne serpentine. Hogarth
s’affirme alors comme l’un des plus grands théoriciens du baroque et du
rocaille.
« Mariage-à-la mode »
La célèbre série du Mariage-à-la mode, généreusement
prêtée au musée du Louvre par la National Gallery de Londres, est tirée
de faits réels mais aussi d’une comédie de Dryden et d’une pièce jouée
peu auparavant par David Garrick. Les toiles sont peintes en prévision
de leur passage à la gravure qui inverse les scènes. L’appel à la
souscription des gravures est lancé en avril 1743 (BnF). Cette série
décrit le mariage malheureux d’un jeune homme, fils d’un aristocrate
imprévoyant et appauvri montré comme un « fin de race », et la fille
d’un riche marchand. Le ridicule, la frivolité, la mésentente, la ruine
puis la mort ponctuent chacun des six épisodes de la série. Mais là
encore, la liberté et la vanité des figures, leurs gestes et
accoutrements, l’attention portée aux intérieurs et aux animaux
domestiques, révélateurs des goûts des protagonistes, dépassent la
satire sociale et constituent l’un des sommets de la culture des
Lumières.
Quatre images d’une Election
La grande ambition de Hogarth trouve une illustration dans sa série en quatre épisodes des Elections (BnF). Le peintre veut y décrire en plein milieu du XVIIIe
siècle le système démocratique. L’Angleterreétait à cette époque le
seul état à bénéficier d’un droit de vote partiel dévolu aux
propriétaires. L’artisteaccompagne sa description d’une critique des
pratiques qu’il a pu observées ! Il montre ainsi la crédulitéou la
faiblesse des électeurs qui se font acheter. Les personnages à
l’animation véritablement endiabléene peuvent que faire rire le
spectateur, réjoui par la faconde de tous et l’humour présent dans
chacun desnombreux détails.
« Britophil » : artiste moderne, artiste anglais
Hogarth pourrait être décrit comme le premier peintre anglais à
plusieurs titres : le premier peintre anglais accédant à la célébrité
et proposant un art dégagé des conventions académiques. En effet les
grands artistes ayant laissé une trace en Angleterre étaient
germaniques ou flamands. Son nationalisme porte Hogarth à fonder une
école de dessin, tandis que sa réflexion sur le statut et les thèmes de
l’œuvre d’art sont perceptibles dans plusieurs gravures, dont Le Temps soufflant sur une peinture. Les
gravures des oeuvres d’Hogarth sont alors diffusées à travers toute
l’Europe et connaissent un immense succès. Il se vante d’aller chercher
les meilleurs graveurs à Paris pour transcrire ses sujets. Mais un jour
surpris à Calais en train de dessiner la porte de la ville, il est
accusé d’espionnage et emprisonné. Cette expérience lui inspire en 1748
une féroce et hilarante charge anti-française : Oh the roast beef of old England (La porte de Calais, Londres, Tate Britain). Enfin, le portrait du capitaine Thomas Comran (Londres,
Foundling Hospital Museum) montre le fondateur de l’hôpital des enfants
trouvés de Londres, qui existe toujours. Hogarth se mobilise et demande
pour ce lieu des toiles à ses amis, offrant ainsi au public le premier
grand lieu d’exposition de peintres contemporains. Le célèbre portrait
de ses six domestiques (Londres, Tate Britain) et la fameuse marchande de crevettes (Londres, National Gallery) témoignent de son attention envers les autres, quelle que soit leur condition sociale.
Hogarth toujours actuel : un regard contemporain
Comme
la Tate Britain, le musée du Louvre a souhaité proposer un regard
contemporain émanant d’un des nombreux artistes anglais sur leur
illustre prédécesseur. Des photographies de l’artiste britannique Yinka
Shonibare, né en 1962, clôturent donc l’exposition. Ce journal d’un
dandy victorien (Diary of a Victorian Dandy) en cinq
épisodes reprend le principe des séries de Hogarth et nous montrent
cinq moments de la journée et de la nuit d’un riche jeune homme dans
l’Angleterre du XIXe siècle. Poses, décors et costumes y sont également soignés, tandis que le dandy n’est autre que Yinka Shonibare lui-même.
Musée du Louvre
Hall Napoléon
75001 Paris
Tél. 01 40 20 53 17
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